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Pourquoi l’écriture inclusive fait-elle autant débat ?

Dernière mise à jour : 22 juil. 2021


En septembre 2020, deux groupes de linguistes se sont opposés par le biais de tribunes : un premier texte, signé par 32 chercheurs, fut publié dans Marianne, suivi d’une réponse de 65 universitaires sur le site de Mediapart. Le désaccord porte sur l’écriture dite inclusive. La tribune de Marianne la dénonce comme « excluante », alors que celle de Mediapart affirme que les linguistes ne doivent pas se « lamenter » face à l’usage croissant de cette écriture. Pourquoi donc l’écriture inclusive semble-t-elle si controversée ?



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Comment définir l’écriture inclusive ?


L’écriture inclusive, également appelée écriture épicène, est définie dans le Larousse comme « l’ensemble des conventions graphiques et syntaxiques visant à promouvoir une égalité de représentation entre les hommes et les femmes dans la grammaire française ». Elle s’oppose ainsi à la phrase bien connue des écoliers « le masculin l’emporte sur le féminin » en tentant d’inclure de façon égalitaire le masculin et le féminin dans une phrase.


L’utilisation de l’écriture inclusive s’inscrit dans la continuité du combat pour la féminisation des noms de métiers, fonctions, titres et grades mené par des militantes féministes depuis les années 1970. Si le gouvernement français s’y est montré favorable à partir de la fin des années 1990, l’Académie française a longtemps fait preuve de scepticisme sur ce qu’elle qualifie d’« entreprise de féminisation systématique » et sur la volonté de l’État de légiférer sur la langue. Après une première ouverture dans un rapport de 2014, les académiciens se sont finalement prononcés en faveur de la féminisation des noms de métier dans un rapport publié en février 2019.


Entre-temps, les débats se sont déplacés de la féminisation de la langue française vers l’écriture inclusive et plus particulièrement l’utilisation du point médian. D’abord présent dans les milieux militants féministes et LGBTI, son usage s’est élargi durant ces dernières années. Ainsi, la parution d’un manuel de CE2 rédigé en écriture inclusive en 2017 a donné lieu à une vive polémique, l’Académie française s’opposant explicitement à cette pratique dans une déclaration en décembre de la même année.


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les techniques d’écriture inclusives ne se limitent pas à l’utilisation des points, points médians ou tirets (par exemple : « les client.e.s » au lieu de « les clients »). En effet, l’utilisation de parenthèses (« les client(e)s) ») ou même l’utilisation des deux formes (« les clients et les clientes ») relèvent également de l’écriture inclusive. Cependant, c’est bien sur l’utilisation, de plus en plus répandue, du point médian que portent la plupart des controverses concernant l’écriture inclusive.


Pourquoi l’écriture inclusive est-elle controversée ?


A priori, l’écriture inclusive permet de résoudre certains problèmes. Par exemple, des études ont montré que les femmes avaient plus de mal à se projeter dans un métier si le nom de la profession est employé uniquement au masculin. De même, l’emploi du masculin pluriel a un impact sur les mentalités : « les clients » évoquent plus facilement un groupe d’hommes qu’un groupe mixte, ce qui est parfois en décalage avec ce que l’on cherche à décrire. En incluant de façon égale le masculin et le féminin, l’écriture inclusive semble donc avoir des effets bénéfiques.


Cependant, l’usage du point médian reste très controversé. Ses détracteurs reprochent un manque de lisibilité et d’accessibilité, qui rendrait la lecture plus difficile, notamment pour les personnes dyslexiques ou malvoyantes. Par exemple, l’Association Handicap et la Fédération française des DYS recommandent de ne pas exposer des lecteurs débutants à l’écriture inclusive usant du point médian. On reproche également le décalage créé entre oral et écrit : en effet, « les client.e.s » se prononce « les clientes et les clients ». Cette critique rejoint celle de l’accessibilité : les logiciels de synthèse vocale peuvent en effet difficilement transcrire l’utilisation du point médian à l’oral. Enfin, une dernière critique récurrente porte sur le caractère « chaotique » des usages du point médian, ce qui ne permet pas, en l’état, de produire une norme. En effet, même les défenseurs du procédé reconnaissent que l’écriture épicène est un ensemble d’expérimentations sans règles fixes.


Faut-il employer l’écriture inclusive dans ses écrits ?


Si le sujet de l’écriture inclusive, et plus particulièrement du point médian, est l’objet de débats, les connaissances actuelles en linguistique ne permettent pas d’écarter ou de légitimer définitivement ce type d’écriture. Ainsi, une étude des linguistes Pascal Gygax et Noelia Gesto a montré que les sujets s’adaptaient rapidement à l’écriture épicène utilisant des tirets. Cependant, cette étude doit être considérée avec précaution : le panel était en effet constitué uniquement d’étudiants valides, ce qui ne permet pas de généraliser les résultats. Plutôt que d’établir une norme, nombre de linguistes préfèrent pour l’instant observer l’évolution de l’usage.


Faut-il utiliser l'écriture inclusive dans ses écrits ?


Alors en l’absence de règles, faut-il utiliser l’écriture inclusive dans vos écrits ? La réponse dépend bien sûr de vos propres convictions, mais aussi du contexte dans lequel vous écrivez.


Pour toucher un large public et produire un texte aussi accessible que possible, il semble plus prudent de ne pas employer le point médian ou les tirets. Si vous restez soucieux d’assurer une représentation égalitaire des hommes et des femmes dans votre texte, il existe des alternatives. Par exemple, l’académicien Michel Serres suggérait d’utiliser l’accord de majorité : ainsi, on écrira « son oncle et ses tantes sont arrivées » au lieu de « son oncle et ses tantes sont arrivés ». Une autre alternative est la règle de proximité, fréquemment appliquée dans l’histoire de la langue française : la formule « ses oncles et tantes sont arrivées » remplace alors « ses oncles et tantes sont arrivés ».


Si vous souhaitez utiliser le point médian dans l’un de vos écrits, l’absence de normes fixes peut représenter un problème. En l’absence d’un usage consacré, il est toujours possible de s’appuyer sur le Manuel d’écriture inclusive proposé par l’agence de communication Mots-Clés.

Et si vous souhaitez aller plus loin, cet article de The Conversation fait le point sur les débats autour de l’écriture inclusive en s’appuyant sur plusieurs études.



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