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Subjonctif plus-que-parfait : faut-il dire “il eût fallu” ou “il aurait fallu” ?

  • Photo du rédacteur: La Correction
    La Correction
  • 21 juin
  • 4 min de lecture

En lisant certaines tournures comme « il eût fallu » ou « eût-il su », on pourrait croire avoir mis la main sur un manuscrit du XIXe siècle. Et pourtant, ces formes verbales relèvent d’un temps bien réel – le subjonctif plus-que-parfait – qui, bien que rare, n’a pas totalement disparu de la langue française. On le croise encore dans la littérature contemporaine, certains discours soignés ou chez des auteurs qui aiment jouer avec les registres. Ce temps aujourd’hui délaissé n’en conserve pas moins un charme discret… et une richesse grammaticale insoupçonnée.



Un temps du subjonctif qu'on n'entend plus


Le subjonctif plus-que-parfait est un temps composé : il se forme avec l'auxiliaire être ou avoir à l'imparfait du subjonctif (que j'eusse, que tu eusses, qu'il eût, que nous eussions, que vous eussiez, qu'ils eussent…) suivi du participe passé. Autant dire que sa construction est déjà peu familière.


Attention technique : À la 3e personne du singulier, on place un accent circonflexe sur l'auxiliaire avoir ou être (qu'il eût, qu'il fût) pour éviter la confusion avec la 3e personne du singulier du passé simple (il eut, il fut).


Exemples :


  • « Il eût fallu plus de temps. »

  • « Eussiez-vous prévenu plus tôt, rien de tout cela ne serait arrivé. »


C'est un temps rarement parlé, car il sonne de façon très soutenue – voire emphatique. On le réserve donc aux contextes littéraires, à des pastiches, ou à des jeux de style.



Un déclin historique mais une survie discrète


Ce déclin, amorcé vers le milieu du XIXe siècle, s'est fortement accentué dans la deuxième moitié du XXe siècle. Au XXIe siècle, le subjonctif plus-que-parfait a presque complètement disparu de l'usage courant, son remplacement par le subjonctif présent étant désormais achevé dans la plupart des situations.


Cependant, il n'a pas totalement disparu. Les grammairiens soulignent d'ailleurs une particularité intéressante : ce qu'on appelle parfois « conditionnel passé deuxième forme » (j'eusse aimé, tu eusses voulu…) n'est en réalité qu'un emploi modal particulier du subjonctif plus-que-parfait. Les deux temps partagent la même conjugaison et souvent les mêmes valeurs.



Des survivances dans la langue contemporaine


Même si son usage général a décliné, le subjonctif plus-que-parfait survit dans quelques expressions figées que nous employons encore : « Qui l'eût cru ? », « N'eût été votre aide… », « Comme si de rien n'eût été ». Ces tournures, devenues presque automatiques, témoignent de la vitalité passée de ce temps. On les retrouve aussi dans certains textes juridiques ou journalistiques, où la forme conserve une fonction stylistique précise, notamment pour exprimer une hypothèse contraire aux faits : « N'eût été la détermination de ces journalistes… »



Littéraire, mais pas archaïque


Sur le fond, ce temps exprime souvent l'irréel du passé : ce qui aurait pu (ou dû) se produire, mais ne s'est pas produit. Sur la forme, il entre en concurrence directe avec le conditionnel passé, beaucoup plus usité aujourd'hui :


  • « Il aurait fallu plus de temps » / « Il eût fallu plus de temps. »

  • « Elle aurait pu nous prévenir » / « Elle eût pu nous prévenir. »


Là où le conditionnel passé est neutre et moderne, le subjonctif plus-que-parfait ajoute une note de hauteur, de recul ou de solennité. Il n'est pas erroné. Il est marqué.



« Eût » ou « aurait » ? Deux modes, un sens proche


Pourquoi peut-on parfois utiliser « eût » là où l'on attendrait « aurait » ? Parce que les deux temps – bien que relevant de modes différents (subjonctif vs conditionnel) – peuvent tous deux exprimer une même valeur : l'hypothèse irréelle dans le passé.


Prenons deux exemples :


  • « S'il avait su, il serait venu. » (construction classique)

  • « Eût-il su, il fût venu. » (inversion + subjonctif)

  • « S'il eût su, il fût venu. » (autre tournure littéraire)


Ici, « eût su » remplace « avait su » dans la subordonnée, et « fût venu » remplace « serait venu » dans la principale. Ce sont des tournures soutenues, parfois poétiques ou emphatiques, qui relèvent d'une tradition littéraire.


Autre exemple d'alternance :


  • « Il aurait réussi s'il avait travaillé. »

  • « Il eût réussi s'il eût travaillé. »


Dans les deux cas, le sens est le même : un regret, une hypothèse contraire à la réalité. Mais le ton change : le conditionnel passe partout, le subjonctif impose un rythme, une élégance, parfois une distance.



Quand l'utiliser (et quand s'en abstenir)


Dans un roman littéraire, un essai au style soutenu ou un discours soigné, il peut être tout à fait bienvenu. Il permet d'éviter des redites, d'installer un rythme ou de camper un personnage au langage précieux. Mais il faut en user avec mesure : une page truffée de « eût » et de « eussiez » peut vite paraître affectée.

Dans un rapport professionnel, un mémoire universitaire ou une présentation orale, mieux vaut en revanche s'en tenir au conditionnel. Non que ce soit fautif, mais l'effet produit peut être décalé, voire prétentieux.



Ce que doit faire le correcteur


Devant ce type de tournure, un bon correcteur ne remplace pas systématiquement le subjonctif par le conditionnel. Il s'interroge d'abord sur la cohérence stylistique de l'ensemble : s'agit-il d'une coquille, d'une maladresse ou d'un choix volontaire ? Si le niveau de langue est homogène, la tournure peut être conservée. Elle est parfaitement grammaticale.


Le travail du correcteur est aussi de signaler les effets produits : un ton soutenu, une certaine solennité, un archaïsme volontaire. En fonction du projet, on pourra suggérer une variante plus moderne ou, au contraire, saluer une maîtrise rare.


Le subjonctif plus-que-parfait est un bel exemple de ces subtilités du français qu'on n'apprend plus guère, mais qui continuent d'enrichir la langue. Bien employé, il n'est ni vieilli ni snob : il est simplement juste. Et parfois, préférer « il eût fallu » à « il aurait fallu », c'est faire le choix d'un style assumé, d'un rythme plus dense, d'une langue qui ose encore la nuance.

 
 
 

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